jeudi 13 octobre 2016

Moi, Marie, femme de Cléophas

C'est ainsi que débute le récit de la vie de Marie, femme de Cléophas, qu'elle raconte elle-même... Pour connaître la suite, il faut lire le livre...

Je m’appelle Marie, j’ai 56 ans et mon fils Joseph en a 40. Mon mari Cléophas est mort depuis 30 ans déjà, et depuis ce temps, je suis engagée avec ceux que l’on appelle maintenant "chrétiens", les disciples de Jésus Christ. Deux événements ont changé ma vie du tout au tout : la naissance de notre fils Joseph, un enfant dit différent, car il est déficient sur le plan intellectuel, sans l’être aucunement sur le plan du cœur, et ma rencontre avec Jésus de Nazareth m’ont entraînée sur des chemins que jamais je n’aurais pu imaginer. Je suis à Rome où je suis arrivée quelques mois avant Paul, un apôtre de Jésus Christ, avec lequel nous avons beaucoup voyagé, Joseph et moi. Paul est mort il y a quelques semaines et je sais que demain, nous le rejoindrons sur l’autre rivage, lui et Jésus, mais aussi mon cher Cléophas. Nous avons été arrêtés avec d’autres amis chrétiens et nous n’avons pas voulu faire allégeance aux divinités païennes des Romains. Nous sommes enfermés dans des geôles proches du Grand Cirque et nous allons, comme d’autres l’ont été avant nous, être dévorés par les lions. Je tremble, et j’ai peur, mais Joseph est plus fort que moi et sa présence me rassure plus que ce j’imaginais. Je ne pourrai pas dormir cette nuit, je suis trop angoissée ; je vais faire défiler dans ma tête tout ce que j’ai vécu, en remontant aussi loin que ma mémoire me le permet. Je crois que mon premier souvenir précis date du jour où j’ai eu dix ans.

lundi 3 octobre 2016

Comment répondre à une question sans réponse ?

Dans une même journée, j’ai reçu deux gros chocs émotionnels qui m’ont amené à une réflexion que je voudrais partager.
Sally Phillips et son fils Olly
Dans un premier temps, j’ai regardé la vidéo d’une émission de la BBC dans laquelle l’actrice Sally Phillips réagit à une déclaration de Peter Singer, un partisan de "l'altruisme efficace". Il y dit notamment (attention, il faut s’accrocher) qu’il vaut mieux tuer des personnes sévèrement handicapées et transférer l’argent ainsi économisé pour les maintenir dans leur état de vie dépendante vers ceux à qui cela serait plus utile ; que la vie n’est qu’un concept religieux dépassé et que la vie d’un gorille qui a une conscience de soi vaut mieux que celle d’une personne handicapée sans conscience de soi. Sally Phillips, maman d’Olly, un garçon trisomique, affirme la valeur de la vie de son fils et de toutes les personnes ayant un handicap, demande que l’annonce du diagnostic de la trisomie 21 à une femme enceinte soit accompagnée d’une information au minimum neutre. Elle dit : « si on lui disait que son enfant sera heureux de vivre, apportera de la cohésion sociale, encouragera les uns et les autres à ne pas prendre la vie trop au sérieux, se réjouira de chose simples, ça serait présenter un système de valeurs de manière complètement nouvelle. »
Sinon, on risque de se retrouver comme au Danemark où il est annoncé que, d’ici 2020, il n’y aura plus de personnes trisomiques dans le pays…
Le père Matthieu Dauchez
Puis, le soir même, dans une église de Paris, le père Matthieu Dauchez, directeur de la fondation ANAK-Tnk à Manille, donnait une conférence dont le titre était "Mais pourquoi Dieu permet-il cela ?" en référence à la question posée par une petite fille au pape pendant son séjour à Manille. Cela, c’est la misère, la violence, les abus que subissent trop d’enfants, des enfants des rues, des bidonvilles, des enfants handicapés. Et le pape a répondu : « tu m’as posé la seule question qui n’a pas de réponse… » et ils l’a prise dans ses bras. Le pape François avait déjà donné une première réponse, la compassion et la tendresse… Le père Matthieu Dauchez n’a pas donné de réponse lui non plus, mais il a ouvert quelques portes pour nous aider à mieux comprendre ce qu’est le mal et comment réagir. Sur le plan théologique, c’est un peu compliqué car on ne peut dire à la fois : Dieu est tout-puissant, Dieu est bon et le mal existe. Deux de ces propositions peuvent se concevoir, mais alors elles excluent la troisième. 
Une tentative de réponse a pu être donnée par Saint Augustin : Car le Dieu Tout-puissant (...), puisqu’il est souverainement bon, ne laisserait jamais un mal quelconque exister dans ses œuvres s’il n’était assez puissant et bon pour faire sortir le bien du mal lui-même.
Il faut d’abord distinguer le mal et ses conséquences : il faut haïr le mal, il est légitime de se mettre en colère, de se révolter, mais face à ceux qui souffrent à cause du mal, il faut être présent, même en silence, même avec des larmes ; il faut se montrer compatissant et savoir pardonner. 
Dans la parabole du bon Samaritain, le prochain n’était pas l’homme blessé, celui dont il fallait s’occuper pour le soigner, c’était le bon Samaritain lui-même qui a su se faire proche, se faire accepter par l’autre (qui a dû être étonné de se faire soigner par quelqu’un qui d’habitude était peu considéré). Le prochain n’est pas celui pour qui nous devons faire, mais celui avec qui nous devons être. La rencontre ne peut être une véritable rencontre que si elle se fait à égalité, pas de supérieur à inférieur, pas de celui qui sait à celui que ne sait pas… Et c’est ce que fait la fondation ANAK-Tnk au quotidien !
Frère Thomas
Il était très réconfortant de voir que l’église qui contient, pleine, un millier de personnes, était archi-comble, énormément de monde, principalement des jeunes, étaient venus pour écouter le père Matthieu Dauchez ; beaucoup étaient debout, assis dans les allées… Tous sont repartis le cœur brûlant d’espérance ! Le père Thomas de Gabory, qui était l’aumônier diocésain de Foi et Lumière à La Réunion, est parti pour rejoindre Manille où il va collaborer aux missions de la fondation. Et la Providence a voulu que son voyage de La Réunion vers Manille passe par Paris et qu’il soit présent à la conférence ! Ce fut bon de le revoir et d’échanger quelques minutes. Il y a des liens entre Foi et Lumière et ANAK-Tnk, j’ai été heureux de voir une jeune fille trisomique sur une photo avec la Cardinal Luis Antonio Tagle qui demandait aux enfants de la fondation ce qu’ils voulaient faire dans la vie ; certains disaient « je serai policier ou instituteur » ; elle a répondu tout simplement : « je serai l’amour » !

En repartant, avec les paroles du père Matthieu Dauchez dans la tête et dans le cœur, je repensais à ce que j’avais entendu le matin : quelle réponse peut-on apporter au mal ? J’ai compris que devant cette équation à trois inconnues (Dieu tout-puissant, Dieu de bonté, le mal existe), certains ont fait le choix de répondre : « Dieu a échoué, sa création n’est pas bonne ; nous allons faire mieux ! » et c’est le choix de vouloir "corriger" la création, c’est revivre le mythe de Prométhée. Les hommes ne peuvent être considérés comme des êtres humains s’ils n’ont pas une vie considérée comme digne, certains animaux peuvent être considérés comme des êtres humains. Que tous ceux qui raisonnent ainsi, des véritables bandits de la pensée, aient comme Prométhée, le foie dévoré chaque jour par un aigle ! Et que de nombreuses personnes comme Sally Phillips et le père Matthieu Dauchez, et nous tous avec eux, continuent à proclamer que toute vie vaut la peine d’être vécu, à condition de ne pas rester seul, à condition de vivre l’amitié. Nous devons en témoigner aussi fort que possible !