dimanche 1 mars 2020

Dans cette vallée de larmes


La terrible annonce faite le 22 février 2020 par les responsables de l’Arche Internationale nous a tous plongés tous dans une immense vallée de larmes. Nous mêlons nos propres larmes à celles des femmes qui ont témoigné et je ne peux que partager ce que nous dit l’Arche à ce sujet : "Nous sommes bouleversés par ces découvertes et nous condamnons sans réserve ces agissements en totale contradiction avec les valeurs que Jean Vanier revendiquait par ailleurs, incompatibles avec les règles élémentaires de respect et d’intégrité des personnes."

C’est un peu comme si Jean mourait une deuxième fois et je me retrouve, comme après la naissance de Julie, à crier, à hurler : mais pourquoi ? Sans vouloir diminuer la responsabilité de Jean qui reste totale et entière, je crains qu’il n’ait été, lui aussi, une victime du père Thomas Philippe dont l'emprise si forte et la perversité si grande ont fait tant de dégâts autour de lui… au point que son fils spirituel a pu se laisser lui-même abuser ? Tout cela reste circonscrit aux activités d’accompagnement spirituel que Jean avait "héritées" du père Thomas et menées dans le cadre de l'Eau Vive et de l'Arche. Foi et Lumière n'est atteint que par la personnalité "abîmée" de son co-fondateur et cela nous permet de préserver notre charisme et de rendre grâce pour tout le bien que nous avons reçu de Jean. "Il est indéniable que Jean Vanier a fait un grand bien qui est un vrai bien" (Mgr Pierre d'Ornellas).

Je veux garder le souvenir d’un homme qui était un ami de Jésus et un modèle de prière. Je connais tant de personnes qui, comme moi, ont tant reçu de lui, qu’il ne faut pas occulter son côté lumineux sous prétexte de la découverte de graves zones d’ombres :
  • Si j’ai pu accueillir Julie dans ma famille et faire en sorte qu’elle soit une jeune femme de bientôt 32 ans, joyeuse, pleine de vie et source d’inspiration spirituelle pour son entourage, c’est bien parce que nous avions entendu Jean prêcher une retraite quelques années avant sa naissance et cela, personne ne me l’enlèvera.
  • Si je comprends un tout petit mieux ce que Jésus nous dit dans l’Évangile, c’est parce que j’ai entendu Jean nous le raconter comme si il en avait été un témoin direct ; je garde encore le souvenir de l’entendre parler des apôtres que Jésus avait choisis, “que des pauvres types !”. En la personne de Jean, Jésus a aussi choisi un pauvre type ! Cette façon si familière et simple d’entrer en contact avec la parole de Jésus, reçue de Jean, personne ne me l’enlèvera.
  • Si je sais un tout petit peu mieux prier, c’est parce que j’ai vu Jean prier et j’en ai été impressionné, et cela personne ne me l’enlèvera. Quand, au cours de la rencontre internationale de Foi et Lumière à Québec, je me réveillais tôt (à cause du décalage horaire) et que j’allais prier à la chapelle, Jean était déjà là, et il était encore là quand je partais. Quand un jour, à 10h30 du soir, à la Ferme de Trosly, j’ai vu une ombre sortir de l’oratoire, c’était Jean.
  • Si le geste du lavement des pieds nous reste comme un héritage spirituel de Jean, c’est parce qu’il était comme un sacrement d’humilité, c’était pour nous apprendre à aimer jusqu’au bout, c’était pour nous inviter à faire des choses un peu folles, car ce qui est fou dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi pour confondre les sages (1Co 1, 27). C’était aussi pour nous inviter à vivre de la joie, de cette joie que personne ne nous enlèvera (cf. Jn 16, 22).
Il ne nous reste plus maintenant qu’à rendre grâce pour tout ce que nous avons reçu de Jean et à le confier à la Miséricorde de Jésus qui est tendresse et pitié. Pendant toute l’année de la Miséricorde, nous avons repris l’hymne officiel : "Misericordes sicut Pater", tâchons de vivre de cette Miséricorde car pour obtenir la Miséricorde, nous devons d’abord devenir bienheureux d’en vivre (cf. Mt 5, 7). Avec Marie, Mater Misericordiae, chantons pour lui le Salve Regina : Eia ergo, Advocata nostra, illos tuos misericordes oculos ad nos converte.

La prière de Foi et Lumière dit : Aide nous à être debout, avec Marie, au pied de la croix, proches des crucifiés de notre monde. Aujourd’hui, c’est pour Jean que nous demeurons au pied de la croix, le cœur blessé et meurtri (en cela, nous nous sentons proches de toutes celles qui ont eu à souffrir d’abus de la part de Jean). 

Je suis un peu comme si je me trouvais devant un roc dans lequel on trouve une faille, et qu’il me fallait choisir entre faire exploser ce roc en exploitant cette fragilité ou essayer de mettre un petit pansement pour tenter de réparer ce qui paraît irréparable. Je sais ce que Julie choisirait… Je sais aussi que de tout mal Dieu peut faire sortir un bien ; alors viens vite Seigneur Jésus, nous sommes perdus dans l’attente de ce bien.

Celui d’entre vous qui est sans péché, qu’il soit le premier à lui jeter une pierre. (Jn 8, 7)