A la suite de la publication du rapport de la CIASE,
des résolutions prises par les évêques de France, des nombreuses réunions
organisées dans les paroisses, j’ai le sentiment qu’il manque quelque chose qui
me fait dire que j’ai un peu mal à mon Église…
Beaucoup de bonnes décisions, souvent nécessaires, ont
été prises : placement au centre des victimes qui sont entendues et
écoutées, demandes de pardon, promesses de réparation… J’attendais, en plus de
tout cela, une parole un peu plus prophétique. Certes, j’ai bien entendu Mgr
Éric de Moulins-Beaufort dire qu’il ne savait pas si l’Église de France aurait les
ressources suffisantes pour payer les réparations financières, mais qu’il
fallait y aller quand même. Cela m’a rappelé l’histoire d’Abraham, qui a quitté
son pays sans savoir où il allait, mais sûr que Dieu l’accompagnerait vers le
pays qu’il allait lui montrer (cf. Gn 12, 1).
Notre Église a deux piliers, les saints apôtres Pierre
et Paul. Ces deux piliers n’ont pas toujours été très solides : Pierre a
renié Jésus, Paul a été un persécuteur des premiers Chrétiens, complice du
meurtre de saint Étienne. Et ce sont précisément ces deux apôtres, deux pauvres
types pourrait-on dire, qui ont édifié cette Église qui a porté la parole de
Jésus Christ jusqu’aux extrémités de la terre, une Église qui compte plus de
1,3 milliards de fidèles. Ne pourrait-on pas imaginer que l’un ou l’autre de
ces prêtres coupables d’actes pédo-criminels soit - comme Saint Paul sur le
chemin de Damas – soudainement enveloppé d’une clarté venant du ciel (cf. Ac 9,
3) ? Je rêve sans doute, mais ce rêve ne me paraît pas contraire à ce que
j’ai appris par la méditation du Nouveau Testament et des Psaumes.
J’aime beaucoup les Béatitudes, l’Évangile de ma
profession de foi, l’Évangile de notre messe de mariage.
En remettant les victimes au centre, nous nous donnons
de belles occasions :
-
De connaître le royaume des Cieux, car les
victimes sont des pauvres de cœur, ceux qui attendent qu’on leur tende la main
pour nous montrer le chemin qui mène à ce royaume qu’ils connaissent car ils reviennent
de la grande épreuve et sont vêtus de robes blanches, des robes blanchies par
le sang de l’Agneau. (cf. Ap 7, 13-14).
-
De pleurer avec ceux qui pleurent pour
être consolés avec eux, car Dieu essuiera toute larme de leurs yeux (Ap 7, 17).
-
De pouvoir avec eux voir Dieu, car leurs
cœurs purifiés nous le montreront.
-
D’être avec eux semblables à lui car nous
le verrons tel qu’il est, c’est-à-dire doux et humble de cœur, et ensemble nous
recevrons la terre en héritage. Si nous recevons la terre en héritage, c’est
que nous en aurons été jugés dignes par tout ce que nous aurons faits pour
conserver la paix entre nous, être ou rester des artisans de paix, malgré les
ambiances de haine qu’on peut parfois ressentir et qui ressemblent aux cris de
la foule hurlant : « Mort à cet homme ! Relâche-nous
Barabbas ! »
Reste
enfin ce qui a trait à la justice et à la miséricorde ; cela nous concerne
tous. Quelle doit-être notre attitude face à ceux qui ont commis des crimes qui
peuvent paraître impardonnables ? Il faut que justice soit faite pour
pouvoir tous rester le plus possible "ajustés" à Dieu et être
"rassasiés" ; il faut que cette justice soit faite sans oublier
ce que nous dit Jésus : « Ne jugez pas, et vous ne serez pas
jugés ; ne condamnez pas, et vous ne serez pas condamnés. Pardonnez, et
vous serez pardonnés. Donnez, et l’on vous donnera : c’est une mesure
bien pleine, tassée, secouée, débordante, qui sera versée dans le pan de votre
vêtement ; car la mesure dont vous vous servez pour les autres servira de
mesure aussi pour vous. » (Lc 6, 37-38).
Quant
au pardon et à la miséricorde, c’est peut-être le plus difficile à faire, mais
pour obtenir la miséricorde pour chacun de nous, nous devons d’abord être
miséricordieux. Il y a une solution quand c’est trop difficile à faire… Jésus
sur la croix n’a pas dit : « Je vous pardonne »,
mais : « Père, pardonne-leur : ils ne savent pas ce qu’ils
font. » (Lc 23, 34).
Dans
mes mauvais rêves, j’imagine que certains voudraient édifier une nouvelle
Église, une Église de gens parfaits, alors que nous sommes tous un peu à
l’image des apôtres Pierre et Paul, des pauvres types, pécheurs, mais ayant le
désir de devenir des saints comme nous le demande Saint Pierre lui-même :
« Comme des enfants qui obéissent, cessez de vous conformer aux
convoitises d’autrefois, quand vous étiez dans l’ignorance, mais, à
l’exemple du Dieu saint qui vous a appelés, devenez saints, vous aussi, dans
toute votre conduite, puisqu’il est écrit : Vous serez saints, car
moi, je suis saint. » (1P 1, 14-16). Cette sainteté à laquelle nous
devons aspirer, nous la trouverons au contact des personnes les plus fragiles
dans notre société, les anawim des temps modernes, ceux qui savent qu’ils ne
sauront pas s’en sortir sans l’aide des autres et qui tendent la main. Ils sont
pour moi les prophètes des temps modernes - c'est ce que j'ai appris à Foi et Lumière et au contact de Julie (je me rappelle cet article de Panorama intitulé "ma fille est un prophète") - et ils nous montrent le chemin vers
la sainteté car « leurs anges dans les cieux voient sans cesse la face
de mon Père qui est aux cieux. » (Mt 18, 10).
Et
il y a ce très beau Psaume 33 ; même si la fin n’est pas réjouissante pour
les "méchants", il y a de très beaux versets pour réconforter les
"pauvres" :
Je
cherche le Seigneur, il me répond : de toutes mes frayeurs, il me délivre.
Qui
regarde vers lui resplendira, sans ombre ni trouble au visage.
Un
pauvre crie ; le Seigneur entend : il le sauve de toutes ses angoisses. (Ps33,
5-7)
Pour
des enfants dans le désarroi, il y a toujours la possibilité de se réfugier et
de demander conseil à une maman. Tournons-nous vers notre maman du ciel et
implorons-la avec insistance avec cette si belle prière, nous serons
certainement exaucés. Il n’y a qu’à entendre ces mots si doux comme "Máter misericórdiae", "lacrimárum
válle", " Advocáta
nóstra"…
Salve,
Regína, Máter misericórdiæ
Víta, dulcédo, et spes nóstra, sálve.
Ad te clamámus, éxules, fílii Hévæ.
Ad te suspirámus, geméntes et flentes
in hac lacrimárum válle.
Eia ergo, Advocáta nóstra,
íllos túos misericórdes óculos
ad nos convérte.
Et Jésum, benedíctum frúctum véntris túi,
nóbis post hoc exsílium osténde.
O clémens, O pía, O dúlcis Vírgo María.