Le pèlerinage organisé à Lourdes en 1971 était, au départ, une réaction à ce qu’avaient vécu Gérard et Camille Proffit, les parents de Loïc et Thaddée. Venus à Lourdes pour présenter leurs enfants lourdement handicapés à Marie, ils avaient entendu au sein du sanctuaire la foule leur dire : "quand on a des enfants comme ça, on reste chez soi !"[1]. Cette foule leur demandait de rester confinés à la maison et de suivre scrupuleusement les gestes barrières ; on ne sait jamais, ces enfants étaient peut-être porteurs d’un virus dangereux et contagieux.
Cette même foule avait déjà réclamé à Pilate : "Crucifie-le,
crucifie-le !".
Gérard et Camille sont revenus à Lourdes à Pâques 1971
avec une foule très différente. Ils étaient 12000 dont 4000 ayant un handicap
mental, venus de 15 pays. Tous avaient entendu cet appel de Dieu au baptême de
Jésus : "Toi, tu es mon Fils bien-aimé ; en toi, je trouve ma
joie.[2]" Cette
foule-là était une foule joyeuse, très joyeuse même. Les pèlerins, après avoir
reçu ce baptême à Lourdes, furent des témoins de cette joie jusqu’aux
extrémités de la terre.
Mais alors, c’était gagné, les personnes ayant un
handicap mental avaient gagné leur droit d’entrer dans les sanctuaires de
Lourdes ! Foi et Lumière avait-il encore un sens ? Une mission ?
Oui, bien sûr, ce n’était qu’un premier pas, un tout petit pas. Il fallait
encore répondre à ceux qui croyaient que les pèlerins handicapés reviendraient
déçus de ne pas avoir été guéris, ce à quoi Marie-Hélène Mathieu avait
répondu : "Mais nous ne demanderons que la guérison des cœurs, afin
que nous les reconnaissions pleinement dans leur beauté unique et que nous les
aidions à trouver leur place dans l’Eglise et la société.[3]" Mais ces réticences
étaient semblables à celles des grands prêtres et des scribes qui disaient : "S’il
est le Christ, qu’il descende maintenant de la croix, alors nous croirons.[4]" Ils n’avaient pas
compris que c’était justement parce qu’il était le Christ qu’il était sur la
croix.
Alors, si les personnes ayant un handicap mental sont
acceptées dans les sanctuaires, dans les paroisses, c’est une tolérance qu’on
leur concède, en faisant attention qu’elles ne fassent pas trop de bruit,
qu’elles ne dérangent pas nos belles liturgies.
Cinquante ans après notre fondation, il y a encore du
travail pour annoncer la bonne nouvelle de Jésus, cette joyeuse nouvelle qu’on
ne peut comprendre qu’avec un cœur simple. C'est un véritable trésor que nous devons partager le plus largement possible.