mercredi 11 janvier 2017

La vie d'Anahit auprès des pauvres et des vulnérables

Anahit Mkhoyan est une amie arménienne. C'est elle qui a été à l'origine de Foi et Lumière dans son pays en 1999 ; elle a été la correspondante pour les communautés de son pays jusqu'en 2013 où elle a, avec beaucoup de sagesse, laissé la main à Armen Martyrosian qui est alors devenu vice-coordinateur provincial pour ILA Trinity (Liban NO, Iran, Arménie).
Anahit a publié son témoignage sur le site de CNEWA, une agence papale pour l'aide humanitaire et pastorale qui m'a beaucoup touché. Elle y raconte beaucoup de choses personnelles sur sa vie, son engagement auprès des personnes handicapées, son travail pour Caritas et sa rencontre avec le pape François. Merci Anahit !


Anahit Mkhoyan
J’avais tout juste 15 ans quand j’ai croisé pour la première fois des religieuses. Elles étaient venues dans le village d’Arevik, dans le nord de l’Arménie, où j’habitais avec mes parents. J’ai demandé à ma mère “Pourquoi sont-elles habillées ainsi ?”
Pour pouvoir répondre à ma question, elle a dû remonter dans l’histoire de notre pays. Pour un enfant du monde soviétique qui voyait en permanence de la propagande athée sur les murs des couloirs de l’école, juste à la bonne hauteur pour attirer l’attention des élèves, c’était difficile de comprendre qui étaient ces sœurs et pourquoi elles avaient choisi une vie aussi difficile. Néanmoins, ma mère a donné du sens à tout cela, petit à petit, et à bien d’autres choses ; par exemple, pourquoi les gens de notre village étaient appelés “Franks” – un surnom pour les Arméniens catholiques, qui faisait référence à l’influence des missionnaires français il y a quelques centaines d’années.
C’est ainsi qu’a débuté mon long voyage avec mon Église. Peu après, un prêtre a commencé à célébrer la messe dans l’église de notre village, le plus vieux sanctuaire de l’Arménie. J’ai rejoint la chorale et j’ai suivi les activités, les formations et les camps organisés par les sœurs arméniennes de l’Immaculée Conception de notre village.
En 1994, alors que j’étais encore étudiante, j’ai commencé à travailler comme secrétaire pour l’archevêché de l’Église catholique arménienne. Mon père spirituel, l’archevêque Neshan Karakeheyan, qui à l’époque était le vicaire général pour les catholiques en Arménie, fut l’un de ceux qui ont beaucoup investi pour mon développement personnel, spirituel et professionnel.
En 1998, j’ai eu l’occasion de me familiariser avec les travaux des sœurs missionnaires de la charité de Mère Teresa. Elles travaillaient dans une ville appelée Spitak qui souffrait encore des dégâts du terrible tremblement de terre de décembre 1988. Elles y géraient une maison pour les enfants et les adultes ayant différentes sortes de handicap. Après avoir été au service de ces personnes dans cette maison pendant quelque temps, j’ai eu l’inspiration de créer un groupe de bénévoles pour travailler avec les personnes ayant un handicap.
Quand j’ai partagé cette idée folle avec mon père spirituel, il m’a parlé de Foi et Lumière, un mouvement chrétien multiconfessionnel qui assistait les personnes ayant un handicap mental et leurs familles. Ils étaient étonnants dans leur vocation et leur vie de communauté. Aussi, en 1999 nous avons démarré la première communauté Foi et Lumière dans l’Église catholique de Gyumri, la deuxième plus grande ville d’Arménie. Aujourd’hui, il y a trois communautés avec plus de 80 personnes engagées, et je suis toujours bénévole avec elles.
Cette même année, je me suis mariée, et j’ai découvert la grâce d’avoir une famille. J’ai trois filles et un mari aussi merveilleux que sa mère, ils m’ont vraiment aidé pour gérer cette belle famille et mes nombreuses activités.
En 2002, après avoir travaillé pendant 8 ans pour l’Église, j’ai décidé de changer d’activité professionnelle. Juste à ce moment-là, Caritas Armenia recherchait un responsable pour un projet centré sur les violences domestiques – un sujet pas bien compris alors en Arménie, ni même par moi. J’ai mené des recherches et défini une méthodologie qui fut utilisée plus tard pour aider les femmes et les enfants victimes de violences à Gyumri.
Pour moi, ce travail avec les œuvres de charité de l’Église était symbolique. Je travaillais dans l’Église et je participais à la création d’une constitution et d’intitulés de mission et de valeurs avec les dirigeants de l’Église arménienne dans le Caucase, l’archevêque Nerses Der Nerserian ; son vicaire général, à l’époque Monseigneur Neshan Karakeheyan ; et Zevart Nanaryan du Secours catrholique au Liban, qui nous a rejoints comme consultant. J’ai adoré cette mission et j’ai admiré le travail que cette organisation réalisait pour ceux qui étaient pauvres et vulnérables.
Dix ans plus tard, après avoir démarré le plus grand projet de Caritas Arménie à ce jour – la construction du centre d’accueil des personnes handicapées, la structure la plus grande et la plus moderne pour les personnes handicapées en Arménie – j’ai décidé de prendre du large ; nous, avec nos capacités humaines, avons besoin de pauses, même pour ce que nous aimons. Le changement nous aide à évaluer et à comprendre plus clairement ce qui nous est cher, ce que nous mettons en haut de nos priorités et ce que nous faisons juste parce que cela fait partie de la routine de la vie.
Avec ma famille, nous avons déménagé à Erevan, la capitale de l’Arménie, où j’ai travaillé pour un organisme de développement séculier. Mais au bout de deux ans, même si ma carrière évoluait vers un rôle de consultant concentré sur le développement organisationnel et la sensibilité culturelle, mon cœur était resté auprès de Caritas.
Alors que je me mettais en contact avec Caritas International – l’organisme central qui rassemble toutes les Caritas – j’ai reçu un appel de mon archevêque, Monseigneur Rafael Minassian : Caritas Georgie, dont il était le président, recherchait un directeur. C’était fin 2015, et j’ai eu beaucoup de mal à prendre une décision. D’abord, c’était bien court depuis notre déménagement, et il fallait repartir vers une autre culture et une autre réalité : même si l’Arménie et la Géorgie sont de pays voisins, les deux cultures et les deux peuples sont très différents l’un de l‘autre. Ensuite, même si j’avais déjà travaillé avec des personnes de cultures différentes, être responsable au quotidien d’une organisation sans connaître la langue de ceux qui y travaillent me faisait peur. Mais il fallait prendre la décision d’accepter ou de refuser comme s’il s’agissait d’un défi – ou un don -venant de Dieu, de travailler à nouveau avec l’Église et cette organisation que j’aime tant.
J’ai accepté le défi. Cela voulait dire qu’il fallait encore déménager et, à 41 ans, commencer à apprendre une nouvelle langue. Et me voici !
J’ai compris que le changement est une des composantes les plus importantes dans notre vie. Cela nous aide à rester humbles sur le chemin de l’apprentissage, cela nous enrichit dans nos connaissances et cela nous rend tolérants parce que nous voyons que les choses peuvent devenir très vite bonnes ou mauvaises de différentes manières.
La visite du pape François à Tbilisi
Un des moments les plus stimulants pour moi fut de rencontrer le pape François au cours de sa visite pastorale en Géorgie cette année. Les organisateurs du voyage ont demandé que je sois avec le Père Camillien Pawel Dyl pour accueillir le pape à une rencontre avec les organismes de charité de Tbilisi. Alors que j’attendais son arrivée, j’essayais très fort de garder mon calme. J’étais la seule femme au milieu de membres du clergé. J’étais partagée entre la fierté et la peur jusqu’au moment où il est sorti de sa voiture. Son apparence si humble et son sourire si sincère ont tout changé en un instant – un des moments les plus remarquables de ma vie.
Alors que je marchais à ses côtés pour l’accompagner jusqu’à son fauteuil, un sentiment de fierté m’a envahie, mais c’était de la fierté pour lui. J’étais si fière qu’il soit notre guide spirituel. Il était tellement attentionné en accueillant et en parlant aux uns et aux autres, si humble et si humain. Il est un bon exemple de la manière dont nous, les responsables d’organismes caritatifs, devons travailler et ressentir notre travail : humbles dans nos activités et sincères dans nos relations.

Je reconnais une chose que je n’oublierai jamais : quand Dieu nous propose quelque chose, nous devons l’accepter avec tous les défis qui vont avec. Il sera toujours là si nous continuons à marcher avec lui et, de temps en temps, Il nous donnera la force pour nous remonter le moral et pour continuer le chemin.

2 commentaires:

ASlaug Espe, Norvege a dit…

Merci Anahit de tout ce que tu partage. Ton temoinage m'a touché.

Anahit Mkhoyan a dit…

Merci Aslaug :)