mercredi 9 novembre 2022

La grande fête des 50 ans à Lourdes

 

Que de joie !

La grande fête des 50 ans de Foi et Lumière aura duré près de deux ans, comme en 2011-2012, mais pas pour les mêmes raisons. Cette fois, c’est un méchant virus qui nous a empêchés de fêter notre jubilé comme nous l’aurions souhaité ! Les dernières célébrations jubilaires ont eu lieu à Alexandrie, Fatima et Lourdes, et terminent ainsi un grand festival de pèlerinages tous aussi réussis les uns que les autres.

J’aurai participé à deux pèlerinages, bien différents l’un de l’autre. Le premier était une grande première, un pèlerinage par Zoom ! Il a eu lieu le jour de la Pentecôte 2021, soit 50 ans et 50 jours après celui de 1971. Il était organisé par la province Couleurs d’Asie. J’ai pu revoir des visages amis et j’en ai été très heureux ; mais rien ne remplace un contact "en vrai", une embrassade virtuelle ne sera jamais comme celles que l’on se donne à Foi et Lumière ! Le second pèlerinage, un vrai, a eu lieu à Lourdes fin octobre 2022, comme en 1971, avec plus de 3000 pèlerins venus de France et de Belgique. On ne peut le comparer à celui de 1971 (12000 pèlerins venus de 15 pays) ou à celui de 2001 (16000 pèlerins venus de 73 pays), mais ce fut un temps incroyablement riche en rencontres ou en retrouvailles.

Le thème était, comme pour tous les autres pèlerinages, "un trésor à partager". Nous avons donc participé à une grande chasse au trésor pour tenter de découvrir les clés de ce trésor. Elles n’étaient pas très compliquées à trouver, car elles sont toujours très présentes dans nos rencontres de communauté : amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, douceur, maîtrise de soi, fraternité, compassion, pardon, enthousiasme, courage, prière et confiance. On y retrouve, sans surprise, huit des neuf fruits de l’Esprit (Ga 5, 22-23) qui souffle régulièrement dans la voile de la petite barque de Foi et Lumière (le thème de la rencontre internationale de 2008 était "dans le sillage de l’Esprit" et nous avions alors ajouté une voile à notre barque). L’Esprit a soufflé très fort à Lourdes et je crois que, parmi toutes les clés de notre trésor, il y a un "passepartout", qui est l’enthousiasme (étymologiquement, cela signifie un transport de l’âme d’inspiration divine). Il suffisait de regarder les visages, les sourires de chacun, pour voir combien cet événement a comblé de joie tous les pèlerins. Le programme était chargé, mais, même si la fatigue pouvait apparaître à certains moments, elle était vite oubliée dès qu’il s’agissait de chanter, de danser, de prier, de participer à toutes les activités proposées. Les chants du pèlerinage ont été maintes fois repris : Viens danser avec moi ; Merci, Jésus ou Foi et Lumière a 50 ans, sans oublier Amis, chantons notre joie, qui a été entonné, à la grande joie de tous, par… Marie-Hélène Mathieu qui a tenu à être avec nous pour cette grande fête. A 93 ans, elle nous a montré combien elle était heureuse d’être venue à Lourdes - encore une fois - pour être avec son enfant chéri, Foi et Lumière.

Nous avons aussi été privilégiés d’avoir avec nous notre évêque référence, Monseigneur Jacques Benoit-Gonnin, qui a tenu à être présent pendant tout le temps du pèlerinage. Il nous a parlé avec simplicité et je pense que nous lui avons fait autant de bien que lui nous en a fait. Événement magnifique, temps de grâce, le cœur fond, sont des mots qu’il a employés ; mais surtout, il a dit aux personnes ayant un handicap : « Votre mission est immense. Vous aidez l’humanité à être plus humaine, vous nous dites : si vous m’accueillez, vous accueillez Jésus, si vous m’éliminez, vous éliminez Jésus ! »

Au bout de ces si belles journées pleines de force, d’amour et de joie, nous sommes devenus des temples du Saint Esprit ! Mais tout événement, aussi beau soit-il, a une fin. Il faut fermer les valises et reprendre le train, le car, la voiture pour rentrer à la maison. Comment peut-on faire après un tel événement pour retourner à la vie d’avant ? Ça paraît impossible ! Nous ne sommes pas venus à Lourdes pour une commémoration, pour seulement nous souvenir de ce qui s’était passé en 1971… nous étions à Lourdes pour aller à la source de Foi et Lumière, pour comprendre comment ce pèlerinage a mis le feu au monde et s’est propagé jusque dans près de 90 pays sur les 5 continents, comment, encore aujourd’hui, des provinces et des communautés naissent comme en Afrique de l’Ouest. Et nous repartons en mission pour porter ce feu, notre trésor autour de nous, pour dire que Foi et Lumière peut faire du bien à tant de familles, d’amis et d’aumôniers qui nous attendent, Alors, nous allons nous mettre en route sans tarder. L’Esprit a soufflé très fort à Lourdes et Il va nous aider dans notre mission : faire connaître Jésus, comme l’ont fait les premiers apôtres quand ils ont quitté les bords du Jourdain après le baptême de Jésus. Nous, nous étions au bord du Gave, et nous y avons rencontré Jésus, grâce à Bernadette, grâce à Loïc et Thaddée, ces "petits" qui ont permis de changer tant de choses à Lourdes, en 1858 et en 1971. Oui, allons témoigner et partager notre trésor ! La dernière soirée fut plus calme et des nouveaux chants sont arrivés comme sur la pointe des pieds : Ne crains pas, je suis ton Dieu. C’est moi qui t’ai choisi, appelé par ton nom. Tu as du prix à mes yeux et je t’aime. Ne crains pas, car je suis avec toi. Ces paroles inspirées par le livre d’Isaïe ont dû résonner longtemps dans la tête des pèlerins dans la courte nuit qui a suivi. Et chacun a pu commencer sa route de retour avec en tête la certitude d’être aimé de Dieu, qu’Il sera toujours avec nous pour accomplir la mission qu’Il nous confie : faire connaître la bonne nouvelle de Foi et Lumière autour de nous,  à temps et à contretemps, aller annoncer l’Évangile de la petitesse, celui dans lequel résonnent tout particulièrement les paroles de Jésus qui nous touchent comme : « Si vous ne changez pas pour devenir comme les enfants, vous n’entrerez pas dans le royaume des Cieux. » (Mt 18, 3).

lundi 11 juillet 2022

Charles de Foucauld, un saint pour Foi et Lumière ?

 


Le 15 mai 2022, à Rome, j’ai assisté avec Isabelle à la messe de canonisation de Charles de Foucauld, en mémoire de mon beau-père, officier de l’armée de terre, Saint-Cyrien de la promotion Charles de Foucauld. Ce fut une très belle célébration et la Place Saint-Pierre était pleine à craquer – il faut dire qu’ils étaient dix ce jour-là à devenir saints !

Plus je lis, plus j’écoute tout ce qui concerne le Saint Frère Charles, plus je me dis qu’il aurait bien aimé connaître Foi et Lumière, et je pense que, du haut du Ciel, il doit nous prodiguer beaucoup de grâces. Je voudrais illustrer cela par quelques exemples tirés de sa vie, de ses vies, je pourrais dire, car il en a vécu plusieurs… il a été fêtard, officier, explorateur, moine, prêtre, ermite ; et dans des horizons très divers, depuis Strasbourg jusqu’au Hoggar, en passant par le Maroc, la Terre Sainte, la Syrie.

A Nazareth, tout d’abord, il a découvert qu’il serait toute sa vie à la recherche de la dernière place, celle que Jésus a voulu prendre pour rejoindre les plus pauvres et les plus petits. La théologie de la dernière place, nous la connaissons bien quand nos amis ayant un handicap sont privés des bonnes places dans les églises, voire de l’accès aux sacrements. Nous apprécions beaucoup les mots de Saint Jacques dans sa lettre : « Écoutez donc, mes frères bien-aimés ! Dieu, lui, n’a-t-il pas choisi ceux qui sont pauvres aux yeux du monde pour en faire des riches dans la foi, et des héritiers du Royaume promis par lui à ceux qui l’auront aimé ? » (Jc 2, 5).

Un autre trait de la personnalité de Saint Charles fut sa proximité avec Jésus, il voulait s’abandonner au Père comme Jésus l’a fait à Gethsémani. Toute sa vie, il a voulu être proche de ceux qu’il rencontrait comme il se voulait proche de Jésus dans sa prière, se reposer sur son cœur, comme ce cœur rouge cousu sur son habit. Nous aussi, nous pouvons dire que, dans nos communautés, nous ne faisons pas grand-chose pour, car nous préférons être avec.

Toute la vie de Charles a été habitée par une grande tension, entre la volonté de tout donner pour suivre Jésus d’une part, et l’incertitude de ce que Jésus attendait de lui d'autre part. Il lui fallait être toujours attentif à ce que Jésus attendait de lui, sans toujours savoir quoi… d’où de grandes valses-hésitations entre les différentes périodes de sa vie… Oui, je veux être moine pour vivre avec les plus pauvres, non, je ne veux pas être prêtre pour ne pas mettre de barrières vis-à-vis de ceux dont je me veux proche, oui je veux être prêtre pour pouvoir rendre Jésus présent… L’histoire de Foi et Lumière est aussi pleine de ces rebondissements. Nombre de prévisions d’implantations de communautés n’ont pas été concrétisées, mais par contre elles sont nées là où nous ne les attendions pas ! Comme le dit par exemple Marie-Hélène dans son livre "Plus jamais seuls", Foi et Lumière devait démarrer au Burundi, mais c’est au Rwanda que ça a marché (et au Burundi quelques années plus tard). Je suis allé au Bénin pour répondre à l’invitation de quelques jeunes qui n’ont pas fait ce qui était attendu d’eux, mais une religieuse rencontrée presque par hasard, a fait démarrer Foi et Lumière dans le pays !

Il y aurait encore bien des choses à dire sur ce grand saint... Un dernier souvenir me revient en tête… le 15 octobre 2008, juste avant le vote pour élire le nouveau coordinateur international, je me souviens que l’on m’a tendu un micro pour me demander – comme aux autres - si j’avais une dernière chose à dire, et j’ai le souvenir d’avoir répondu en citant la prière d’abandon de Charles de Foucauld : « Fais de moi ce qu’il te plaira, je suis prêt à tout, j’accepte tout. » Saint Charles, veille sur nous !

dimanche 5 décembre 2021

Un pauvre crie

 

A la suite de la publication du rapport de la CIASE, des résolutions prises par les évêques de France, des nombreuses réunions organisées dans les paroisses, j’ai le sentiment qu’il manque quelque chose qui me fait dire que j’ai un peu mal à mon Église…

Beaucoup de bonnes décisions, souvent nécessaires, ont été prises : placement au centre des victimes qui sont entendues et écoutées, demandes de pardon, promesses de réparation… J’attendais, en plus de tout cela, une parole un peu plus prophétique. Certes, j’ai bien entendu Mgr Éric de Moulins-Beaufort dire qu’il ne savait pas si l’Église de France aurait les ressources suffisantes pour payer les réparations financières, mais qu’il fallait y aller quand même. Cela m’a rappelé l’histoire d’Abraham, qui a quitté son pays sans savoir où il allait, mais sûr que Dieu l’accompagnerait vers le pays qu’il allait lui montrer (cf. Gn 12, 1).

Notre Église a deux piliers, les saints apôtres Pierre et Paul. Ces deux piliers n’ont pas toujours été très solides : Pierre a renié Jésus, Paul a été un persécuteur des premiers Chrétiens, complice du meurtre de saint Étienne. Et ce sont précisément ces deux apôtres, deux pauvres types pourrait-on dire, qui ont édifié cette Église qui a porté la parole de Jésus Christ jusqu’aux extrémités de la terre, une Église qui compte plus de 1,3 milliards de fidèles. Ne pourrait-on pas imaginer que l’un ou l’autre de ces prêtres coupables d’actes pédo-criminels soit - comme Saint Paul sur le chemin de Damas – soudainement enveloppé d’une clarté venant du ciel (cf. Ac 9, 3) ? Je rêve sans doute, mais ce rêve ne me paraît pas contraire à ce que j’ai appris par la méditation du Nouveau Testament et des Psaumes.

J’aime beaucoup les Béatitudes, l’Évangile de ma profession de foi, l’Évangile de notre messe de mariage.

En remettant les victimes au centre, nous nous donnons de belles occasions :

-          De connaître le royaume des Cieux, car les victimes sont des pauvres de cœur, ceux qui attendent qu’on leur tende la main pour nous montrer le chemin qui mène à ce royaume qu’ils connaissent car ils reviennent de la grande épreuve et sont vêtus de robes blanches, des robes blanchies par le sang de l’Agneau. (cf. Ap 7, 13-14).

-          De pleurer avec ceux qui pleurent pour être consolés avec eux, car Dieu essuiera toute larme de leurs yeux (Ap 7, 17).

-          De pouvoir avec eux voir Dieu, car leurs cœurs purifiés nous le montreront.

-          D’être avec eux semblables à lui car nous le verrons tel qu’il est, c’est-à-dire doux et humble de cœur, et ensemble nous recevrons la terre en héritage. Si nous recevons la terre en héritage, c’est que nous en aurons été jugés dignes par tout ce que nous aurons faits pour conserver la paix entre nous, être ou rester des artisans de paix, malgré les ambiances de haine qu’on peut parfois ressentir et qui ressemblent aux cris de la foule hurlant : « Mort à cet homme ! Relâche-nous Barabbas ! »

Reste enfin ce qui a trait à la justice et à la miséricorde ; cela nous concerne tous. Quelle doit-être notre attitude face à ceux qui ont commis des crimes qui peuvent paraître impardonnables ? Il faut que justice soit faite pour pouvoir tous rester le plus possible "ajustés" à Dieu et être "rassasiés" ; il faut que cette justice soit faite sans oublier ce que nous dit Jésus : « Ne jugez pas, et vous ne serez pas jugés ; ne condamnez pas, et vous ne serez pas condamnés. Pardonnez, et vous serez pardonnés. Donnez, et l’on vous donnera : c’est une mesure bien pleine, tassée, secouée, débordante, qui sera versée dans le pan de votre vêtement ; car la mesure dont vous vous servez pour les autres servira de mesure aussi pour vous. » (Lc 6, 37-38).

Quant au pardon et à la miséricorde, c’est peut-être le plus difficile à faire, mais pour obtenir la miséricorde pour chacun de nous, nous devons d’abord être miséricordieux. Il y a une solution quand c’est trop difficile à faire… Jésus sur la croix n’a pas dit : « Je vous pardonne », mais : « Père, pardonne-leur : ils ne savent pas ce qu’ils font. » (Lc 23, 34).

Dans mes mauvais rêves, j’imagine que certains voudraient édifier une nouvelle Église, une Église de gens parfaits, alors que nous sommes tous un peu à l’image des apôtres Pierre et Paul, des pauvres types, pécheurs, mais ayant le désir de devenir des saints comme nous le demande Saint Pierre lui-même : « Comme des enfants qui obéissent, cessez de vous conformer aux convoitises d’autrefois, quand vous étiez dans l’ignorance, mais, à l’exemple du Dieu saint qui vous a appelés, devenez saints, vous aussi, dans toute votre conduite, puisqu’il est écrit : Vous serez saints, car moi, je suis saint. » (1P 1, 14-16). Cette sainteté à laquelle nous devons aspirer, nous la trouverons au contact des personnes les plus fragiles dans notre société, les anawim des temps modernes, ceux qui savent qu’ils ne sauront pas s’en sortir sans l’aide des autres et qui tendent la main. Ils sont pour moi les prophètes des temps modernes - c'est ce que j'ai appris à Foi et Lumière et au contact de Julie (je me rappelle cet article de Panorama intitulé "ma fille est un prophète") - et ils nous montrent le chemin vers la sainteté car « leurs anges dans les cieux voient sans cesse la face de mon Père qui est aux cieux. » (Mt 18, 10).

Et il y a ce très beau Psaume 33 ; même si la fin n’est pas réjouissante pour les "méchants", il y a de très beaux versets pour réconforter les "pauvres" :

Je cherche le Seigneur, il me répond : de toutes mes frayeurs, il me délivre.

Qui regarde vers lui resplendira, sans ombre ni trouble au visage.

Un pauvre crie ; le Seigneur entend : il le sauve de toutes ses angoisses. (Ps33, 5-7)

 

Pour des enfants dans le désarroi, il y a toujours la possibilité de se réfugier et de demander conseil à une maman. Tournons-nous vers notre maman du ciel et implorons-la avec insistance avec cette si belle prière, nous serons certainement exaucés. Il n’y a qu’à entendre ces mots si doux comme "Máter misericórdiae", "lacrimárum válle", " Advocáta nóstra"…

Salve, Regína, Máter misericórdiæ
Víta, dulcédo, et spes nóstra, sálve.
Ad te clamámus, éxules, fílii Hévæ.
Ad te suspirámus, geméntes et flentes
in hac lacrimárum válle.
Eia ergo, Advocáta nóstra,
íllos túos misericórdes óculos
ad nos convérte.
Et Jésum, benedíctum frúctum véntris túi,
nóbis post hoc exsílium osténde.
O clémens, O pía, O dúlcis Vírgo María.

dimanche 11 avril 2021

12 avril 1971 – 12 avril 2021 Foi et Lumière a 50 ans !

 Le pèlerinage organisé à Lourdes en 1971 était, au départ, une réaction à ce qu’avaient vécu Gérard et Camille Proffit, les parents de Loïc et Thaddée. Venus à Lourdes pour présenter leurs enfants lourdement handicapés à Marie, ils avaient entendu au sein du sanctuaire la foule leur dire : "quand on a des enfants comme ça, on reste chez soi !"[1]. Cette foule leur demandait de rester confinés à la maison et de suivre scrupuleusement les gestes barrières ; on ne sait jamais, ces enfants étaient peut-être porteurs d’un virus dangereux et contagieux.

Cette même foule avait déjà réclamé à Pilate : "Crucifie-le, crucifie-le !".

Gérard et Camille sont revenus à Lourdes à Pâques 1971 avec une foule très différente. Ils étaient 12000 dont 4000 ayant un handicap mental, venus de 15 pays. Tous avaient entendu cet appel de Dieu au baptême de Jésus : "Toi, tu es mon Fils bien-aimé ; en toi, je trouve ma joie.[2]" Cette foule-là était une foule joyeuse, très joyeuse même. Les pèlerins, après avoir reçu ce baptême à Lourdes, furent des témoins de cette joie jusqu’aux extrémités de la terre.

Mais alors, c’était gagné, les personnes ayant un handicap mental avaient gagné leur droit d’entrer dans les sanctuaires de Lourdes ! Foi et Lumière avait-il encore un sens ? Une mission ? Oui, bien sûr, ce n’était qu’un premier pas, un tout petit pas. Il fallait encore répondre à ceux qui croyaient que les pèlerins handicapés reviendraient déçus de ne pas avoir été guéris, ce à quoi Marie-Hélène Mathieu avait répondu : "Mais nous ne demanderons que la guérison des cœurs, afin que nous les reconnaissions pleinement dans leur beauté unique et que nous les aidions à trouver leur place dans l’Eglise et la société.[3]" Mais ces réticences étaient semblables à celles des grands prêtres et des scribes qui disaient : "S’il est le Christ, qu’il descende maintenant de la croix, alors nous croirons.[4]" Ils n’avaient pas compris que c’était justement parce qu’il était le Christ qu’il était sur la croix.

Alors, si les personnes ayant un handicap mental sont acceptées dans les sanctuaires, dans les paroisses, c’est une tolérance qu’on leur concède, en faisant attention qu’elles ne fassent pas trop de bruit, qu’elles ne dérangent pas nos belles liturgies.

Il y a donc encore quelques marches à gravir pour atteindre le haut du mont de la Transfiguration et entendre à nouveau Dieu nous dire : "Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui je trouve ma joie : écoutez-le ![5]" La joie est une chose acquise, il reste à nous mettre à l’écoute des personnes ayant un handicap, ils ont bien des choses à nous dire, à nous apprendre. Par exemple, quand, à Lourdes, le jour du vendredi saint, ils ont commencé à chanter des Alléluias dans toute la ville de Lourdes, il y eut des regards peu amènes… Et pourtant… le message était clair. Quand Julie, après avoir pleuré pendant le récit de la Passion, se met à sourire après l’annonce de la mort de Jésus, et dit : "ça y est, maintenant, il peut ressusciter !", ça veut dire qu’elle a compris que pour ressusciter, il faut d’abord mourir… alors que nous voudrions ressusciter sans mourir ! Nous acceptons la joie de la Résurrection, mais pas la souffrance de la Passion.

Cinquante ans après notre fondation, il y a encore du travail pour annoncer la bonne nouvelle de Jésus, cette joyeuse nouvelle qu’on ne peut comprendre qu’avec un cœur simple. C'est un véritable trésor que nous devons partager le plus largement possible.



[1] Cf. Plus jamais seuls p.50

[2] Mc 1, 11

[3] Cf. Plus jamais seuls p.80

[4] Mc 15, 32

[5] Mt 17, 5

lundi 28 septembre 2020

Une petite communauté domestique

L'éphéméride du 12 avril 2020

 Une belle conjonction de dates se profilait en 2020… L’anniversaire de Julie et le dimanche de Pâques allaient se fêter le même jour, le 12 avril. Une très belle célébration en perspective ! Et peut-être avec notre communauté où nous aimons tant ces anniversaires… Mais patatras, le coronavirus et le confinement qui en est résulté nous a privés de nos belles rencontres.

Mais nous nous sommes souvenus que par le mariage, le couple et la famille se transforment en petite Église domestique, lieu où se manifestent la présence et l’amour du Christ. L’amour de Jésus grandit dans l’amour des conjoints et dans la vie des enfants : ainsi chacun est invité à aimer et être aimé comme Jésus nous a aimés ! Et pourquoi ne pas nous transformer avec Isabelle et Julie en petite communauté domestique ? C’est ce que nous avons tenté de faire, notamment pendant la Semaine Sainte.

 

Un ânon, attaché, mais jamais monté

 D’abord, le dimanche des Rameaux, nous avons mimé l’Évangile de l’entrée de Jésus à Jérusalem : Julie m’a demandé d’aller chercher un petit âne et s’y est installée après l’avoir recouvert d’un manteau (l’ânon était un manche à balai dont une extrémité était recouverte d’un dessin représentant une tête d’âne). Puis elle est partie vers Jérusalem et nous avons crié « Hosannah au fils de David ! » en agitant des branches de laurier et en jetant des manteaux par terre.



 Le Jeudi Saint, nous avons fait une liturgie du lavement des pieds ; nous n’étions que trois, mais ce fut fait dans un grand recueillement, comme si nous étions en communion avec les autres familles de notre communauté qui l’ont fait en même temps que nous, sans que nous ne nous soyons concertés.

Le Vendredi Saint, nous avons assisté, toujours virtuellement, au chemin de croix de Notre-Dame du Laus, et nous avons vénéré une image du Linceul de Turin.

Enfin, le jour de Pâques, nous avons fêté la Résurrection de Jésus et l’anniversaire de Julie de nombreuses manières : le groupe Whatsapp a beaucoup chauffé ce jour-là, nous avons eu une petite fête familiale (mais virtuelle) avec nos autres enfants et nos petits-enfants.

Julie avec Albéric et Lucie

Et le matin, quand je suis sorti pour aller acheter du pain (et un beau gâteau d’anniversaire), j’ai pu marcher tranquillement au milieu de la route sans risque de me faire écraser… et j’ai souhaité « Joyeuses Pâques ! » à tous ceux que je rencontrais, beaucoup m’ont répondu, et j’ai même entendu un « Il est vraiment ressuscité ! »

Notre petite communauté domestique a vécu le temps de confinement de manière très particulière, priant ensemble tous les jours, ce que nous continuons à faire encore aujourd’hui.

dimanche 1 mars 2020

Dans cette vallée de larmes


La terrible annonce faite le 22 février 2020 par les responsables de l’Arche Internationale nous a tous plongés tous dans une immense vallée de larmes. Nous mêlons nos propres larmes à celles des femmes qui ont témoigné et je ne peux que partager ce que nous dit l’Arche à ce sujet : "Nous sommes bouleversés par ces découvertes et nous condamnons sans réserve ces agissements en totale contradiction avec les valeurs que Jean Vanier revendiquait par ailleurs, incompatibles avec les règles élémentaires de respect et d’intégrité des personnes."

C’est un peu comme si Jean mourait une deuxième fois et je me retrouve, comme après la naissance de Julie, à crier, à hurler : mais pourquoi ? Sans vouloir diminuer la responsabilité de Jean qui reste totale et entière, je crains qu’il n’ait été, lui aussi, une victime du père Thomas Philippe dont l'emprise si forte et la perversité si grande ont fait tant de dégâts autour de lui… au point que son fils spirituel a pu se laisser lui-même abuser ? Tout cela reste circonscrit aux activités d’accompagnement spirituel que Jean avait "héritées" du père Thomas et menées dans le cadre de l'Eau Vive et de l'Arche. Foi et Lumière n'est atteint que par la personnalité "abîmée" de son co-fondateur et cela nous permet de préserver notre charisme et de rendre grâce pour tout le bien que nous avons reçu de Jean. "Il est indéniable que Jean Vanier a fait un grand bien qui est un vrai bien" (Mgr Pierre d'Ornellas).

Je veux garder le souvenir d’un homme qui était un ami de Jésus et un modèle de prière. Je connais tant de personnes qui, comme moi, ont tant reçu de lui, qu’il ne faut pas occulter son côté lumineux sous prétexte de la découverte de graves zones d’ombres :
  • Si j’ai pu accueillir Julie dans ma famille et faire en sorte qu’elle soit une jeune femme de bientôt 32 ans, joyeuse, pleine de vie et source d’inspiration spirituelle pour son entourage, c’est bien parce que nous avions entendu Jean prêcher une retraite quelques années avant sa naissance et cela, personne ne me l’enlèvera.
  • Si je comprends un tout petit mieux ce que Jésus nous dit dans l’Évangile, c’est parce que j’ai entendu Jean nous le raconter comme si il en avait été un témoin direct ; je garde encore le souvenir de l’entendre parler des apôtres que Jésus avait choisis, “que des pauvres types !”. En la personne de Jean, Jésus a aussi choisi un pauvre type ! Cette façon si familière et simple d’entrer en contact avec la parole de Jésus, reçue de Jean, personne ne me l’enlèvera.
  • Si je sais un tout petit peu mieux prier, c’est parce que j’ai vu Jean prier et j’en ai été impressionné, et cela personne ne me l’enlèvera. Quand, au cours de la rencontre internationale de Foi et Lumière à Québec, je me réveillais tôt (à cause du décalage horaire) et que j’allais prier à la chapelle, Jean était déjà là, et il était encore là quand je partais. Quand un jour, à 10h30 du soir, à la Ferme de Trosly, j’ai vu une ombre sortir de l’oratoire, c’était Jean.
  • Si le geste du lavement des pieds nous reste comme un héritage spirituel de Jean, c’est parce qu’il était comme un sacrement d’humilité, c’était pour nous apprendre à aimer jusqu’au bout, c’était pour nous inviter à faire des choses un peu folles, car ce qui est fou dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi pour confondre les sages (1Co 1, 27). C’était aussi pour nous inviter à vivre de la joie, de cette joie que personne ne nous enlèvera (cf. Jn 16, 22).
Il ne nous reste plus maintenant qu’à rendre grâce pour tout ce que nous avons reçu de Jean et à le confier à la Miséricorde de Jésus qui est tendresse et pitié. Pendant toute l’année de la Miséricorde, nous avons repris l’hymne officiel : "Misericordes sicut Pater", tâchons de vivre de cette Miséricorde car pour obtenir la Miséricorde, nous devons d’abord devenir bienheureux d’en vivre (cf. Mt 5, 7). Avec Marie, Mater Misericordiae, chantons pour lui le Salve Regina : Eia ergo, Advocata nostra, illos tuos misericordes oculos ad nos converte.

La prière de Foi et Lumière dit : Aide nous à être debout, avec Marie, au pied de la croix, proches des crucifiés de notre monde. Aujourd’hui, c’est pour Jean que nous demeurons au pied de la croix, le cœur blessé et meurtri (en cela, nous nous sentons proches de toutes celles qui ont eu à souffrir d’abus de la part de Jean). 

Je suis un peu comme si je me trouvais devant un roc dans lequel on trouve une faille, et qu’il me fallait choisir entre faire exploser ce roc en exploitant cette fragilité ou essayer de mettre un petit pansement pour tenter de réparer ce qui paraît irréparable. Je sais ce que Julie choisirait… Je sais aussi que de tout mal Dieu peut faire sortir un bien ; alors viens vite Seigneur Jésus, nous sommes perdus dans l’attente de ce bien.

Celui d’entre vous qui est sans péché, qu’il soit le premier à lui jeter une pierre. (Jn 8, 7)

lundi 9 décembre 2019

L’Immaculée Conception, c’est le 8 ou le 9 décembre ?

Je suis l'Immaculée Conception
Le dimanche 8 décembre, deuxième dimanche de l’Avent, la prière d’ouverture nous invite à “éveiller en nous l’intelligence du cœur”. Julie, experte en intelligence du cœur, est troublée car le 8 décembre c’est pour elle la solennité de l’Immaculée Conception ; pourquoi ne fête-t-on pas Marie le jour dit, mais avec un jour de retard ? « Le 9, c’est trop tard !» me dit-elle.Que répondre ? Que le dimanche est, pour les chrétiens, le jour mémorial de la Résurrection qu’ils célèbrent dans la foi, et que, du coup, il a préséance sur toute autre fête ou solennité ? Non, rien à faire, le 8, c’est le 8 et pas le 9 !Écoutons la prière d’ouverture de la solennité de l’Immaculée Conception : “Tu as préservé la Vierge de tout péché par une grâce venant déjà de la mort de ton Fils”. Waoow, c’est “Retour vers le futur” épisode 0 ! Marie bénéficie donc d’une grâce provenant d’un événement qui n’arrivera que 33 ans plus tard… Si Dieu se rit de la concordance des temps, si L’Eucharistie est source et sommet de toute la vie chrétienne (LG 11), pourquoi ne pas considérer que le 8 décembre, que ça soit un dimanche ou pas, on puisse faire mémoire à la fois de la Passion et de la Résurrection du Christ et de la grâce qui en est résultée pour Marie ? 
Merci Julie de m’avoir poussé à cette réflexion, je trouve que tu n’as pas vraiment tort de nous questionner ainsi avec ton intelligence du cœur.