mercredi 25 avril 2012

Ku Jwak, un grand ami de Jésus

C'est avec une grande joie et une grande émotion que j'ai découvert ce témoignage du Père Emmanuel Tredou, aumônier de Foi et Lumière au Nord Soudan. Ce qu'il a fait avec sa communauté est exemplaire et bien dans notre mission : aller rendre visite à une famille blessée par le handicap d'un enfant et qui s'est refermée sur ses souffrances, les inviter à rejoindre une communauté pour ne pas rester seuls et leur montrer comment leur enfant, source de honte et de souffrance, peut devenir un moyen de découvrir un monde de relations fondées sur une amitié vraie, c'est ce que nous ne faisons que trop rarement. Si ça pouvait vous donner l'envie de faire de même, j'en serai très heureux ! Combien y a-t-il de Teresa et de Ku Kwaj autour de nous ?

Un professeur de notre école paroissiale a un enfant handicapé qui s’appelle KU JWAK. J’avais l’habitude de travailler avec lui, mais j’ignorais sa situation familiale, jusqu’au jour où un de ses collègues me dit : “Père, vous savez, un des enfants de ce professeur, eh bien, il est des “vôtres”, ceux avec qui vous travaillez, mais il le cache dans une chambre et ne veut pas que quiconque le voit.”
Alors, j’ai partagé cette confidence dans une de nos réunions hebdomadaires de la communauté “Les amis de Jésus   اصدقاء يسوعet nous avons décidé de rendre visite à cette famille. Nous étions trois à y aller. En arrivant, nous avons frappé à la porte et c’est la maman qui est venue ouvrir ; elle a d’abord pris beaucoup de temps pour venir, et quand elle est arrivée, elle est restée en travers de la porte comme si elle voulait nous empêcher d’entrer dans la maison. Après les salutations d’usage, nous avons insisté pour qu’elle nous laisse entrer comme c’est la tradition pour nous les Africains. Mais comme elle restait là et que personne ne bougeait, j’ai répété que nous étions venus pour une visite à sa famille. Elle nous a finalement laissé entrer, mais on voyait bien que c’était à contrecœur. Nous avons salué tout le monde dans la maison et je suis allé saluer l’enfant handicapé (qui entre-temps était sorti de sa chambre) et lui ai serré la main. Il ne parlait pas, s’exprimant par des sons non articulés et il était très agité.  
Nous avons expliqué à Teresa, la maman, la raison de notre visite. Nous avons partagé à propos de Foi et Lumière et lui avons proposé, si elle le souhaitait, de nous rejoindre pour voir et participer à la rencontre mensuelle de la communauté à la paroisse avec tous ses enfants et si possible aussi avec son mari.
J’ai pris KU JWAK sur mes genoux, et comme il cherchait à s’échapper, je l’ai maintenu avec douceur sur mes genoux et il a fini par se calmer. Puis son père est entré et nous a salués. Comme il arrivait de l’extérieur, il avait apporté quelques biscuit et du jus d’orange pour ses enfants, mais à notre grande surprise, il n’avait rien apporté pour KU KWAJ. Instinctivement, nous nous sommes regardés tous les trois et nous sommes restés silencieux.
Après cela, nous avons échangé des nouvelles, et il s’est mis à parler longuement ; il nous a expliqué comment son fils était devenu handicapé, qu’il n’était pas né comme ça, et il a dit toutes leurs souffrances. Nous pouvions sentir toutes les difficultés que ce jeune couple africain avait à porter avec le handicap de leur fils ainé.
Puis le papa nous a dit combien il était surpris de voir son enfant rester sans bouger sur mes genoux. Il a dit que personne ne pouvait faire cela sans être blessé, griffé ou mordu. Lui, son père, se fait régulièrement mordre à chaque fois qu’il essaye de “l’attraper” ; et il a ajouté : “vous avez de la chance qu’il soit si amical avec vous”.
Quand Teresa est venue avec ses trois enfants pour  la première fois à Foi et Lumière, ils ont été accueillis très chaleureusement, et de même à la suivante et petit à petit, elle a commencé à partager avec les autres mamans du groupe et à recevoir des visites. Teresa s’est bien ouverte et se sent beaucoup plus à l’aise avec son fils et avec les autres dans la communauté.
Les gens ont été étonnés de nous voir rendre visite à notre “Ami de Jésus KU JWAK”. Les voisins ne pouvaient pas comprendre pourquoi nous nous intéressions à cet enfant handicapé. Pour nous, Jésus a la réponse à leur question… et Il y répond bien.
Le papa aussi est transformé ; mais, même s’il n’est encore jamais venu avec nous aux différentes activités, il est toujours là quand il s’agit de préparer son fils avant qu’il vienne nous rejoindre. Petit à petit, Dieu se tient aux côtés de cette famille et Il fait son travail en eux, lentement mais surement.
Une de nos difficultés est que beaucoup de familles cachent leur enfant handicapé ; les rejoindre est un vrai défi pour nous.

vendredi 13 avril 2012

Des nouvelles du Soudan (nord et sud) !


A l’occasion de la semaine sainte, le père Hans Putman sj, qui a démarré Foi et Lumière au Soudan, est allé à Khartoum : il y a rencontré le conseil national le mercredi saint à Shambat/Khartoum Nord. La situation de Foi et Lumière dans ce pays lui tient vraiment à cœur, et je suis très heureux d’avoir reçu des nouvelles fraiches !

  Voici le rapport que James Akok (secrétaire national) a fait sur la situation de Foi et Lumière au Soudan, dans le Nord et dans le Sud.
Depuis le départ imprévu et soudain de Francis Maien, l’Equipe Nationale est restée avec James Akok, secrétaire et Mary John, trésorière, et le Père Emmanuel Trédou, comme aumônier. Josephine James est toujours sur place, mais elle était dans le sud pour avoir son passeport, quand j’étais à Khartoum.
Au Nord-Soudan, 81 personnes sont restées (15 parents, 35 amis et 31 personnes ayant un handicap) et il y a toujours huit communautés qui fonctionnent plus ou moins bien : 3 sont actives, à Khartoum Nord, à Jabarona (Bakhita) et à Masalma (Marie Immaculée), 2 sont plus ou moins actives à Hajj Youssef (Saint Etienne) et à Banat (Saint Esprit), 2 vivotent à Wad Ramleh/Wad Beshir (Sacré Coeur) et à Kalakala (Saint Joseph). Une nouvelle communauté a démarré à Dar el-Salam (Kizito), avec le nouveau curé, le Père Daniele Castura. Ils ont fêté Noël à Jabarona, avec une messe célébrée par le Père David Anwar Emmanuel et le nonce apostolique H.G.Leo Boccardi.

Au Sud-Soudan, Foi et Lumière est encore en gestation : une des pionnières du mouvement, Mme Paulina Battariyye, membre du Parlement, soutient fortement Foi et Lumière. Il y aurait plusieurs projets de communauté, à Juba, la capitale, mais aussi à Renk, à Wau, à Aweil (James Akok se prépare à partir là bas) et à Malakal.
Le Père Adel Zakka est parti pour deux ou trois jours à Khartoum et va avoir une rencontre avec le Conseil National, il préparera aussi une visite au Sud prévue pour plus tard dans l’année (septembre ou octobre).
Je suis heureux d’avoir pu faire cette visite-éclair et de voir que, malgré les problèmes et la dispersion, malgré le départ de Francis, le temps sabbatique du Père Emmanuel (c’est le père Joël un collègue Père Blanc qui tient sa place comme aumônier maintenant), le manque de sécurité dans le Sud et les migrations que ne sont pas encore terminées, le mouvement continue et a des grands espoirs pour l’avenir dans le sud. Si je peux, je serai content l’an prochain, après Pâques, de faire un tour dans le Sud (avec Père Adel ?), de rencontrer les évêques et de parler aux prêtres.

jeudi 12 avril 2012

Bientôt un nouveau Saint Jérôme ?


Depuis la mort du professeur Jérôme Lejeune, le 3 avril 1994, au matin de Pâques, sa famille et ses amis organisent chaque année une "Messe pour la Vie", en mémoire de l’engagement sans faille de ce grand homme.
Hier, 11 avril, cette messe avait lieu à Notre-Dame de Paris, là où avait eu lieu sa messe d’enterrement il y a 18 ans. Et cette année, la messe a été précédée d’une cérémonie un peu particulière, la "Clôture de l’enquête diocésaine de la Cause de béatification et de canonisation du Serviteur de Dieu Jérôme Lejeune" ! Monseigneur Xavier Rambaud, promoteur de justice (autrefois appelé avocat du diable) a été interrogé par Monseigneur Éric de Moulins-Beaufort qui présidait la cérémonie ; Dom Jean-Charles Nault, abbé de Saint Wandrille, postulateur de la cause, a prêté serment et 12 caisses de documents collectés pendant plus de quatre années de travail, ont été scellées. Elles vont être transmises à la Congrégation pour la cause des saints qui déterminera si un procès de béatification peut être ouvert.

Toute cette cérémonie, ainsi que les vêpres et la messe qui ont suivi, ont été très belles et émouvantes. Même si je n’ai jamais connu personnellement le professeur Jérôme Lejeune, je l’ai entendu au pèlerinage de Lourdes en 1991 : je me souviens de son expression extrêmement claire et de sa voix très douce. Je comprends pourquoi toutes les personnes trisomiques qui allaient à sa consultation l’aimaient tant ! Comme François-Marie, qui le jour de son enterrement, s’est exclamé en voyant l’image souvenir posée sur les chaises : « Oh ! Mon cher professeur ! ». Il avait été associé à la préparation du premier pèlerinage de Foi et Lumière en 1971 : "il avait suggéré d’inclure dans le programme un colloque de médecins et d’éducateurs sur le thème « Les répercussions psychologiques du rejet ou de l’accueil pour le handicapé mental » […] et il a accepté d’en assurer l’animation. "[1]

Il représente pour moi, qui suis de formation scientifique, un modèle : tous ses travaux ont été menés avec une très grande humilité, et ce qu’il voyait, à travers les instruments qu’il utilisait, était toujours une source d’émerveillement, comme si ce qu’il découvrait lui était confié par le Créateur lui-même ! Et aucune des méthodes utilisées n’était destructrice. Je n’imagine pas une seconde Jérôme Lejeune effectuer des travaux de recherche sur des embryons, et encore moins l’entendre parler "d’amas de cellules" pour désigner un enfant à naître. Au contraire, il disait : "la génétique moderne se résume à un credo élémentaire qui est celui-ci : Au commencement il y a un message, ce message est dans la vie et ce message est la vie. " L’ADN des premières cellules qui démarrent le processus vital est parfaitement distinct des ADN des deux parents et contient ce "message" qui rendra cet être humain unique !

Toute la dignité de Jérôme Lejeune aura été de se montrer très respectueux de ses découvertes devant lesquelles il s’est certainement senti tout petit… Cela lui aura valu beaucoup de désagréments, car il allait à contre-courant de bien des idées reçues à l’époque… et lui aura coûté le prix Nobel qu’il aurait pourtant mérité ! Ca ne lui aura pas permis de laisser son nom pour désigner les personnes trisomiques : si en français le mot de "mongolien" a été remplacé par trisomique, dans la grande majorité des autres langues, on continue à dire le syndrome de Down, du nom d’un médecin anglais aux théories bien peu glorieuses… Alors, pourquoi ne pourrait-on pas changer ce nom et le remplacer par le Syndrome de Lejeune ? Ca serait un hommage bien mérité  pour ce grand savant qui sera peut-être (je l’espère bientôt) un saint !



[1] "Plus jamais seuls, l’aventure de Foi et Lumière", page 94

mardi 3 avril 2012

Ils ont donné leur vie !


Tous les ans, pendant la Semaine Sainte, la communauté de Sant’Egidio organise une veillée de prière œcuménique en souvenir de ceux qui ont offert leur vie pour l’Évangile au cours des dernières années. Cette année, à Paris, ça se passait dans l’église Notre-Dame des Blancs-Manteaux ; le nom de cette église a pour origine le surnom donné, au 13ème siècle, aux moines mendiants de l’ordre des Servites de Marie en raison de la couleur de leur habit, symbole de la virginité de Marie. Hier soir, cela faisait plutôt référence au vêtement blanc, purifié dans le sang de l’Agneau, de ceux qui viennent de la grande épreuve. (cf. Ap 7, 13-14). La liste était longue de tous ceux qui sont morts en témoins de l’Évangile, du Moyen-Orient jusqu’en Italie, en passant par l’Asie, l’Océanie, l’Afrique, l’Amérique Latine, l’Amérique du Nord, l’Europe de l’Est… A chaque intention, un cierge était allumé… il y en avait beaucoup trop ! Cela m’a rappelé ce qui a été vécu à l’église Santa Maria del Trastevere à l’occasion du pèlerinage de la province Kimata au printemps 2011…

J’ai pensé et prié pour toutes les communautés Foi et Lumière qui vivent dans tous ces pays où la foi est un acte de courage fort ! J’ai aussi pensé et prié pour toute la foule innombrable de ceux qui, eux aussi, ont été purifiés dans le sang de l’Agneau : tous ces enfants qui n’ont pas eu la chance de naître car leurs parents ont été soumis à des pressions trop violentes… ils sont encore plus nombreux que tous ceux qui ont été nommés, une seule veillée de prière n’aurait pas suffi !