Quand Anne-Marie Pike entend dans sa paroisse un prêtre de passage dire que les personnes trisomiques peuvent être "guéries", son sang ne fait qu'un tour et une fois que sa colère (une sainte colère) est retombée, elle lui écrit pour lui donner son témoignage. Ce témoignage qui est un peu celui de son fils John m'a beaucoup touché et je partage tout ce qu'elle dit dans sa lettre !
Cher Père,
Je vous écris en tant que mère de John (33 ans), trisomique
21, en tant que présidente de Foi et Lumière international et en tant que
co-fondatrice de la Communauté Marralomeda à Christchurch, un foyer
accueillant, depuis 25 ans, 19 personnes ayant un handicap mental. Avec mon
mari Roger, nous vivons dans ce foyer
depuis ses débuts. C’est pour moi un privilège que de vivre avec des personnes
trisomiques ou ayant d’autres types de handicap mental et de les côtoyer au
quotidien ; je peux vous attester que ce sont nos amis handicapés qui
m’ont guérie et qu’ils ont été mes maîtres. Ils me font confiance, m’aiment
inconditionnellement et ont enrichi ma vie au-delà de toute mesure. Ils m’aident
dans ma vie spirituelle à tel point que je me demande si ma confiance en Dieu
est comparable à celle de mes amis, si mon amour pour les autres est aussi
inconditionnel que le leur...
Comme j’assistais à la messe à l'église Saint-Grégoire
dimanche soir, je vous ai entendu dire que les personnes trisomiques avaient
besoin d’être guéries ; j’ai ressenti alors une très forte colère car je
considérais que vous étiez en train d’insulter, certes inconsciemment, ces
belles créatures de Dieu. Les transformer en objets qui nécessiteraient une
puissance de guérison de la part de Dieu pour les rendre “normales” (quel que
soit le sens qu’on donne à ce mot) donne un message complètement faussé à la
société et pourrait renforcer de très dangereux stéréotypes. Le taux
d'avortement pour les fœtus handicapés est déjà très élevé, et je crois que la
société sera vraiment rassemblée quand nous apprécierons tous ses membres,
chacun avec ses différences, comme de véritables créatures de Dieu. En fait, je
pense que la société serait bien meilleure si nous nous mettions à l’écoute des
personnes handicapées plutôt que de penser qu'elles devraient être “guéries”
pour devenir comme nous. Il y a un
mystère si merveilleux dans la manière dont certaines personnes handicapées
vivent des vies fécondes dans tout ce qu’elles donnent aux autres dans le
monde. Les personnes handicapées nous mettent aussi en garde, nous qui sommes considérés
comme “normaux” ou “sans défaut”, quand nous pensons qu’elles veulent changer
ou être “guéries”. Pour certains, le handicap fait partie intégrante de leur
identité. J’ai récemment entendu parler d'une femme médecin ayant un handicap
physique : elle suggérait que l'Église catholique devrait considérer
soigneusement son attitude et son enseignement sur cette question. Il lui avait
été annoncé que, quand son corps serait ressuscité à la fin des temps, elle
n’aurait plus de handicap. Mais elle a répondu que ce ne serait plus elle sans
son handicap... Nous devons donc être très prudents... C’est une question très délicate.
Même Jésus, quand il est apparu à ses apôtres, avait un corps ressuscité qui
avait encore les plaies de la crucifixion.
J’ai aussi été intriguée par le témoignage que vous avez
donné à propos de l'enfant trisomique qui a été guéri... Je me demandais quelle
forme la guérison avait pu prendre... L'enfant a-t ‘il été examiné par un
généticien qui a constaté que le chromosome supplémentaire avait disparu ? Est-ce
que les caractéristiques physiques de la trisomie 21 avaient changé ? L'enfant s’est–il
mis soudainement à exceller à l'école ?
Je me souviens d'un prêtre de la communauté de L'Arche
en Irlande qui disait : "Les personnes ayant un handicap mental
vivent un Évangile qu'ils n’ont jamais lu". Même s’ils ne peuvent pas lire
l'Écriture, ils sont en quelque sorte pleins du message de Jésus et ils le
vivent tout simplement. Je peux vous dire que les personnes trisomiques ou
ayant d'autres types de handicap mental sont vraiment saintes et les “petits
enfants” de Dieu. Henri Nouwen, dans son livre intitulé "Adam" montre
cela beaucoup mieux que tout ce que je ne pourrai jamais dire et je vous
recommande de le lire.
Au cours des années, ma passion a été de parler aux autres,
qui n’ont pas vécu une vie aussi privilégiée et bénie que la mienne, du don des
personnes handicapées, de leur dire combien la société a besoin d'elles pour
nous apprendre à devenir vraiment humains... Jésus n'a-t ‘il pas dit
"devenez comme de petits enfants" ?
Au fil des années, les gens m’ont dit : "Je pense
que tu es merveilleuse" et ils le disaient avec gentillesse et comme un
compliment, parce qu'ils me voyaient, dans la communauté, accompagner des
personnes handicapées et ils s’imaginaient que je suis comme une sainte avec une
infinie patience... Et ils étaient complètement dans l’erreur. Personne ne dit à
mes amis ayant un handicap que ce sont eux qui sont merveilleux, parce
que toute la richesse qu'ils m’ont donnée est invisible... Donc ma mission dans
la vie est d’annoncer à la société et à l'Église le merveilleux cadeau que nous
avons dans notre société et qui est largement ignoré et évité. Les personnes
handicapées doivent recevoir leur juste place dans notre société et dans l'Église
et nous avons besoin d'évaluer ce qu'elles peuvent nous apprendre.
Je crois que notre Église, si elle veut véritablement être porteuse
du message de Jésus, doit être aux avant-postes pour transmettre ce message au monde.
Comme vous êtes un prédicateur que beaucoup écoutent, je me devais de partager
ces réflexions avec vous. Je vous ai donné mes coordonnées en haut de la lettre
et je serais heureuse de poursuivre cette conversation, mais j’ai pensé qu'il
valait mieux d’abord vous écrire.
J’espère que vous ne serez pas irrité par cette lettre,
mais mon fils John et mes autres amis ayant un handicap ne peuvent pas parler
pour eux-mêmes et leurs merveilleux dons sont cachés de tant de monde. Je ressens
très fortement l'absence de valeur que la société donne aux personnes
handicapées.
Que Dieu vous bénisse dans votre ministère de guérison.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire