La "rencontre" ! |
Le film “Marie Heurtin”, sorti en France en novembre, raconte l’histoire de Marie, jeune fille sourde-muette et aveugle, qui est née en 1885 et a vécu 36 ans. Le film nous présente - de très belle manière - comment elle fut sortie de son enfermement par sœur Marguerite, une religieuse de l’institut de Larnay, où des jeunes filles sourdes sont prises en charge. Mais Marie n’est pas que sourde et entrer en relation avec elle se révèle extrêmement compliqué ! Ses parents, très modestes, étaient allés jusqu’au bout de ce qu’ils pouvaient faire avec leur amour et leur bonne volonté ; ils sentaient qu’ils devaient passer le relais à d’autres pour que leur fille puisse progresser et grandir. Un médecin leur avait conseillé de la faire interner, la jugeant “débile”, mais ils ont voulu pour elle ce qu’ils pensaient le meilleur, cet institut tenu par des religieuses. Mais la mère supérieure n’est pas loin de penser comme le médecin : « Cette petite est sourde et aveugle de naissance ; à force, son intelligence s’est certainement racornie ». Mais sœur Marguerite a eu une révélation : « aujourd’hui, j’ai rencontré une âme, une âme toute petite, toute fragile, une âme emprisonnée, mais une âme que j’ai vu briller de mille feux à travers les barreaux de sa prison ». Et elle réussit à vaincre les doutes de sa mère supérieure, sans “trop” aller à l’encontre de son vœu d’obéissance !
Marie n’aime pas ce “corps-prison” et n’aime pas la terre
qui l’a formée ainsi. Elle ne réalise pas qu’elle porte en elle un trésor, “un
trésor que nous portons comme dans des poteries sans valeur” (2Co 4, 7). Elle
considère que cette poterie est fêlée. Mais à travers les fêlures, la lumière
peut passer et c’est ainsi que sœur Marguerite peut réaliser le trésor que
porte ce vase d’argile. Cette rencontre se passe dans un arbre, car Marie fuit
la terre et essaie de se rapprocher de la lumière qu’elle peut sentir par la
chaleur sur sa peau. Marie est aussi attirée par l’eau : on peut la voir
danser au milieu des flocons de neige qui tombent du ciel ; on aurait pu
certainement la voir réagir de la même manière sous la pluie.
Marie signe son premier mot : "couteau" |
Sœur Marguerite, à force de volonté, voire d’obstination,
réussit petit à petit à “apprivoiser” Marie et à lui apprendre, de manière
empirique, une langue des signes qui passe par le toucher. Et au cours d’une
visite de ses parents, elle est toute fière de pouvoir leur dire ce qu’elle
n’avait jamais pu dire jusque là : « je vous aime ! ».
L’intelligence cognitive de Marie était prisonnière de ses
handicaps, mais son intelligence intuitive lui a permis d’abord de créer une
relation de confiance avec sœur Marguerite, et ensuite de libérer toutes ses
capacités.
Marie se
révolte violemment quand sœur Marguerite lui parle de Dieu : « je
refuse un Dieu que je ne peux pas toucher ni sentir ! ». Et le film
n’en dit pas plus… Je n’imaginais pas que la transformation de Marie ne se soit
pas accompagnée d’une “vraie rencontre” avec notre Dieu qui se laisse toucher,
sentir et goûter dans l’Eucharistie : “ Ce qui était depuis le
commencement, |…] ce que nos mains ont touché du Verbe de vie, nous vous l’annonçons”
(1Jn 1, 1). Et j’ai été heureux de trouver ce texte écrit par Marie
Heurtin elle-même : “Je me rappelle souvent la grande joie que j’ai
éprouvée le jour de ma 1ere Communion. Je suis heureuse de recevoir souvent le
bon Jésus dans mon cœur, parce que je peux le prier pour les personnes qui
m’ont fait du bien”.
Marie a
aussi guéri sœur Marguerite d’un autre aveuglement, et cela par l’intermédiaire
de la mère supérieure, celle-là même qui pensait que son intelligence s’était “racornie”.
Sœur Marguerite est allée au bout de ses forces et elle est en train de
mourir ; elle refuse que Marie la voie dans cet état et garde sa porte
fermée, car elle est dans une grande angoisse de ce grand départ et ne veut pas
que Marie découvre cette fragilité… Alors que l’on venait d’entendre au
réfectoire la lecture des Actes des Apôtres sur l’aveuglement de Paul à son
arrivée à Damas, c’est la mère supérieure qui va faire tomber les écailles des
yeux de sœur Marguerite. Il faut dire qu’elle vient de faire la même rencontre
que sœur Marguerite avec l’âme de Marie ; celle-ci est à nouveau dans un
arbre et, du haut de son échelle, la mère supérieure étend sa main vers celle
de Marie et leurs âmes se rencontrent ! Elle retourne prier sœur
Marguerite d’accepter de revoir Marie : « Elle est prête, elle !
Plus que vous ! ». Et Marie, qui a compris que la terre peut donner
des fruits bons et savoureux (on la voit dans le potager s’émerveiller des
belles tomates !), peut accompagner jusque dans la mort celle qui l’avait
si bien accompagnée dans la vie. Le dernier mot qu’elle entend de son
éducatrice est : « vis ! ».
En 1908,
Marie Heurtin est allée faire un pèlerinage à Lourdes et ce fut pour elle une
très grande joie ! Elle en rend compte dans son journal :
« En
partant de Poitiers mon cœur tressaillait d’allégresse en pensant que j’irai
bientôt m’agenouiller au pied de la grotte de l’Immaculée Conception. Pendant
que j’étais en chemin de fer, je priais en songeant à la Ste Vierge,
j’attendais avec impatience l’arrivée à Lourdes. En arrivant mon cœur
surabondait d’une joie inexprimable ; aussitôt j’ai eu le bonheur de communier
dans l’église du Rosaire, le lendemain à la Basilique, puis à la Grotte.
Là je
sentais la présence réelle de la Sainte Vierge et qu’elle me regardait avec
bonté. Par obéissance je lui ai demandé la vue pour sa gloire ; mais elle ne me
l’a pas obtenue, je reste aveugle, je ne suis pas triste, je suis aussi bien
contente de faire la volonté du bon Dieu et de la Sainte Vierge avec
l’espérance que je verrai mieux dans le ciel les splendeurs éternelles du bon
Dieu et de la Sainte Vierge. J’ai beaucoup prié la Sainte Vierge pour ma
sanctification et pour m’obtenir la grâce d’une bonne mort, […] pour les
besoins spirituels et temporels de mes parents.
J’ai
été très émue de compassion en voyant ces pauvres malades qui ne sont pas
guéris. Ces malades étaient placés sur le passage du Très Saint Sacrement ;
j’ai prié avec eux pour demander leur guérison pas la mienne. J’éprouvai une
grande douce consolation au passage du Saint Sacrement. Quand il passait devant
moi, je sentais que le bon Jésus me donnait des grâces de courage et de résignation
pour supporter ma triple infirmité.
Marie
me parlait intérieurement comme elle avait parle à Bernadette me disant de ne
pas me rendre heureuse sur la terre, mais dans l’autre vie.
J’ai quitté la Grotte de Lourdes en pleurant et en disant à Marie que je
la verrai bientôt dans le ciel. Je sais bien que Marie si bonne me protègera
jusqu’à ma mort. Je conserverai toujours le souvenir de mon pèlerinage à
Lourdes et des bontés de Marie pour moi ». En résumé, le film illustre très bien cett parole de l'Évangile de saint Jean : "Ni elle, ni ses parents n'ont péché. Mais c'était pour que les oeuvres de Dieu se manifestent en elle".
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