Ce matin-là, comme tous les jours, Syméon s’est mis à
l’écoute de sa petite voix : "Seigneur,
serait-ce aujourd’hui ?". Syméon a eu autrefois ce songe qu’il ne
mourrait pas avant d’avoir rencontré le Messie du Seigneur, que ses yeux
verraient le salut préparé pour les peuples, la lumière qui allait se révéler
aux nations et donner gloire à son peuple ; malgré son grand âge, il attend
dans l’espérance l’accomplissement de cette promesse. Chaque matin, sa demande
reste sans réponse, mais ce jour-là, ô joie !, il entend qu’il doit partir
avec empressement vers le Temple de Jérusalem.
Sur le chemin, il se pose bien des questions sur ce qui
l’attend : verra-t-il une nuée recouvrir le Temple, une colonne de feu
illuminer toute la ville de Jérusalem, et dans des éclairs et le tonnerre
entendre la voix du Seigneur annoncer Son retour ? Il se rappelle que
Moïse avait eu cet avertissement, en réponse à sa requête Je t’en prie, laisse-moi contempler ta gloire
(Ex 33, 18) : un être humain ne
peut pas me voir et rester en vie (Ex 33, 20). Il se dit alors que ce jour
est sans doute le dernier de sa vie…
En arrivant dans le Temple, tout est calme et il
cherche du regard vers qui aller ? Il aperçoit un jeune couple venu
présenter son premier-né comme le veut la Loi du Seigneur, mais se dit en
voyant qu’ils avaient préparé pour le sacrifice un couple de petites colombes :
ce n’est pas vers cette famille que je
dois aller, ce sont des pauvres. Mais, irrésistiblement, il se sent attiré
vers ce petit enfant, né il y a 40 jours. Et l’Esprit-Saint, présent dans les
colombes, lui dit : Celui-ci est mon
Fils bien-aimé, en qui je trouve ma joie (Mt 3, 17). Alors il comprend et
demande à Marie de prendre l’enfant dans ses bras et s’écrie d’une voix forte :
Maintenant, ô Maître souverain, tu
peux laisser ton serviteur s’en aller en paix, selon ta parole. Car mes yeux
ont vu le salut que tu préparais à la face des peuples, lumière qui se révèle
aux nations et donne gloire à ton peuple Israël
(Lc 2, 29-32).
La lumière attendue n'était pas une colonne de
feu, mais une petite flamme vacillante vers laquelle on vient se réchauffer en
famille, le salut espéré ne pouvait pas venir d’une force toute puissante, mais
de cette fragilité que Syméon trouve à la fois en lui et dans ce petit enfant,
faible et dépendant, la gloire de Dieu ne pouvait pas se manifester de manière triomphante,
mais dans la petitesse. Il revivait l'histoire du prophète Elie sur l'Horeb : le Seigneur était présent comme dans le murmure d'une brise légère (1R 19, 12). Conscient que cette révélation, dont il venait d’être
le bénéficiaire privilégié, allait à l’encontre de ce que le peuple d’Israël
attendait, il ajouta des paroles plus dures à l’attention de Marie : cet enfant sera signe de contradiction et
toi, ton âme sera traversée d’un glaive (Lc 2, 34-35).
Quand les communautés Foi et Lumière célèbrent cet
événement que nous appelons la Fête de la Lumière, que célébrons-nous ?
Nous nous rappelons la joie de la rencontre entre Marie, Joseph, Syméon et Anne
autour de Jésus, qui étaient déjà comme une petite communauté. Nous nous
réchauffons autour de la lumière qui se révèle aux nations au travers des plus
petits d’entre nous, nous témoignons du salut que nous recevons de manière
privilégiée quand nous reconnaissons que Jésus nous attend dans la fragilité. Notre
prière le dit bien : apprends-nous à
découvrir ton visage et ta présence en tous nos frères et sœurs, spécialement
les plus faibles.
Nous devons témoigner sans relâche autour de nous que
cette révélation faite à Syméon est destinée à tous. Dieu n’attend pas de nous
que nous recherchions ce qui est grand et fort pour aller à sa rencontre, Il n’attend
pas de nous que nous devenions des surhommes pour nous faire proches de lui, Il
attend que nous nous mettions à son écoute, il nous apprendra alors à
accueillir nos blessures et nos faiblesses, c’est par elles que se déploiera sa
puissance. Cela ne nous évitera pas les épreuves, nos enfants ayant un handicap
seront appelés également à être signes de contradiction, les parents auront eux
aussi l’âme transpercée d’un glaive, mais ça ils le savent depuis longtemps…
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